Thèse, trois cent vingt-sixième jour

Alors que cela va faire un an que la thèse a officiellement commencé, où en suis-je ?

Clip Video du morceau de David Bowie, Where are we now (2013) par Tony Oursler

Je n’ai pas été très actif ces derniers mois, j’ai été pris par la rédaction de deux communications dans des colloques (qui feront d’ailleurs l’objet d’articles sous peu !). Il y a eu aussi une accélération de tempo pour arriver à coordonner l’avancement de la thèse, la mise en place du dispositif expérimental au semestre prochain (et ce que ça suppose de préparation donc) et le déroulement de la réforme des formations dans l’établissement où je fais mon travail de terrain. Je ne renonce pas à l’ambition de tenir le rythme mensuel d’articles pour ce blog, j’en ferai peut être des plus courts. Je vous invite d’ailleurs à me faire part de vos suggestions ou questions dans les commentaires 🙂

Depuis mon retour de congés (2j de congés par mois pour un contrat doctoral pour celles et ceux qui se poseraient la question ^^), j’ai principalement travaillé sur le plan du manuscrit de thèse pour m’organiser un calendrier approximatif. Rassemblant mes différents écrits de l’année écoulée (hors notes de lecture), j’arrive tout de même à une bonne quarantaine de pages, ce qui n’est pas rien !

Pour schématiser l’état de ma réflexion, on peut la découper en trois versants :
a) Qu’est-ce qu’une ingénierie « écologique » ? Quelles pratiques cela implique-t-il ? Quelles compétences la formation de tels ingénieurs doit-elle développer chez les apprenants ?
b) De quoi les enseignants ont-ils besoin pour être en mesure de développer ces compétences chez leurs étudiants ? Quelles pratiques doivent-ils mettre en œuvre ?
c) Compte tenu des conditions et contraintes particulières du contexte et de ma situation d’apprenti-chercheur, que proposer aux enseignants ? D’ailleurs il est plus que probable que cette proposition ne puisse s’adresser qu’à une partie limitée de ces enseignants. En conséquence, comment les choisir (disciplines, profils, etc.) ?

Explorer systématiquement ces trois versants est assez difficile car cela peut vite représenter énormément de travaux conduits dans des perspectives très différentes, des plus utilitaristes (néolibérales) aux plus critiques. En particulier, les propositions de référentiels de compétences visées chez les étudiants sont aussi pléthoriques que souvent très généraux. Si l’on oublie quelques instants les nécessaires critiques du développement durable, on peut cependant y dégager un consensus minimal. C’est l’idée que depuis la création de la profession dans sa forme moderne, les ingénieurs étaient surtout préoccupés par le pilier économique. Et cela au détriment du pilier social et du pilier environnemental. Il s’agirait alors de venir rééquilibrer les ingénieurs pour rééquilibrer le développement et le rendre (enfin!) durable. Par ailleurs, des enquêtes portant sur les conceptions courantes du développement durable en Europe, nous montre que c’est surtout le pilier environnemental qui vient le premier à l’esprit, principalement autour des sujets de l’énergie et du recyclage d’ailleurs. Vous en conviendrez que c’est (légèrement!) réducteur… Mais en fait au-delà de ce qui peut paraître une évidence, qu’est-ce que cela implique ?

Immédiatement, on a envie de dire qu’il va falloir faire apprendre aux ingénieurs d’autres choses que de se contenter de comment mettre en place de la façon la plus efficace possible une solution essentiellement « technique » à un problème qui leur est donné par d’autres. Cela nous amène au deuxième versant que je soulignais plus haut. Et là les propositions de la littérature scientifique paraissent déjà plus rares. Celles-ci se concentrent souvent sur la présentation de démarches ayant été mises en place dans tel ou tel établissement. Ce genre de réflexion sont souvent le produit d’enseignants engagés désireux de permettre la réplication de leur « bonne pratique ». Dans ce cas-là, les articles font souvent l’impasse sur les caractéristiques des enseignants qui mettent en œuvre cette démarche. Une autre partie de la littérature s’intéresse à la formation initiale des enseignants (surtout au primaire et au secondaire car dans le supérieur, celle-ci est beaucoup plus rudimentaire), il en reste encore moins. En fait, tant que l’on reste dans le domaine des formations initiales, il peut être tentant d’écarter la question des préconceptions des apprenants. Par préconception, je veux dire ici ce que les étudiants pensent déjà savoir du sujet de la formation. Notre héritage des Lumières nous incite en effet à voir la formation comme une façon d’apporter la lumière de la Raison à des esprits demeurés dans l’obscurité et l’ignorance. Si cette posture peut fonctionner avec des jeunes qui se retrouvent face à ce qu’ils peuvent considérer comme un expert en situation d’autorité (l’enseignant), avec des adultes…

Et c’est précisément une des dimensions centrales de mon troisième versant. Avec les enseignants tels qu’ils sont (et non pas tels que l’on voudrait qu’ils soient), que peut-on faire ? Il est en tout cas certain que si ceux-ci ne sont pas convaincus du bien-fondé de la constitution d’une ingénierie d’un nouveau type, les chances qu’ils fassent évoluer leurs pratiques sont minimes. Et cela d’autant plus que le virage nécessaire est important. Toutes les disciplines ne sont pas égales face à ça et certaines ont des trajectoires socio-épistémologiques qui les rendent particulièrement imperméable à la prise en compte de facteurs sociaux ou environnementaux qui ne relèverait à priori pas de leur champ. C’est donc sur ce troisième versant que la thèse vise à proposer une contribution originale. Je vais m’arrêter là pour cet article dans la mesure où ce sur quoi je vais travailler plus particulièrement cette année (vous savez, le fameux « dispositif expérimental »). Avec un sujet pareil, vous imaginez bien que l’exigence éthique du chercheur est fondamentale et qu’il faut se refuser à toute perspective de manipulation des participants. Ce sera d’ailleurs le thème de la prochaine entrée de journal !

A bientôt et bonne rentrée !

Back to the future (1985) de Robert Zemeckis

Leave a Comment